Le tribunal prend pour cible la justice soviétique et, en fait, la justice de tous les pays totalitaires. La pièce date de 1984, mais sa portée demeure universelle, tout comme celle de
Dans une ambiance de haute bouffonnerie, de saillies ininterrompues, devant les membres d'un tribunal réduits à l'état de marionnettes, un innocent spectateur est accusé de tous les crimes et finit par accepter d'aller à la mort pour sauver sa dignité. Cette fin, laquelle n'est certes pas comique, est traitée en deux ou trois répliques qui, dans le contraste avec ce qui précède, ne prennent que plus de force. Car le bouffon VOINOVITCH qui se sert de fantoches et déchaîne les rires est aussi un moraliste, comme tous les satiriques.
Traitée avec une imagination pétillante, les personnages grotesques du TRIBUNAL, leur comportement parodique, se déploient en un feu d'artifice qui provoquera des rires en chaîne, jusqu'à la fusée finale où triomphera le respect de soi devant l'autre tribunal, le vrai : celui de la conscience.
Au premier degré, elle est la mise en question de la colossale hypocrisie moralisatrice qui présidera au moindre slogan, à la moindre formulation publique (et il y en avait à la pelle dans les cellules, comités, bureaux professionnels) comme aux simples entretiens privés, dans l'URSS stalinienne.
Dès le résumé de cette pièce, j'évoque
Mais si le rythme, la nervosité ludique, le passe-pied des personnages, l'ampleur satirique, font songer à la pièce de Brecht, la ressemblance avec cet auteur s'arrête là. Pas de distanciation, au contraire : le rapport salle-scène est celui de l'intégration, de la complicité (au point que le personnage principal est un prétendu spectateur). Pas de prédication idéologique non plus. Rien, à la fin, qu'une aspiration à la dignité que sa briéveté ne rend que plus éloquente.
A travers un merveilleux mélange de caricatures désopilantes et de situations intrinséquement dramatiques, LE TRIBUNAL nous propose, tambour battant, le déguisement de millions de loups et de millions d'agneaux.