Lisa, une infirmière, s’est récemment installée dans un appartement où règne un désordre indicible. Elle a reçu une médaille de mérite du Président de la République pour ses actions humanitaires durant la guerre du Kosovo. Lorsque son ex-beau-fils, sa fille et son petit-fils passent la voir, il est beaucoup question de son passé. À force de l’évoquer, elle sera contrainte de le regarder en face. Et ce n’est pas très glorieux…
Les Mangeurs de pommes de terre est une tragi-comédie cynique, qui n’est ni politiquement ni moralement correcte.
La pièce nous plonge dans l’intimité d’une famille déstructurée, avec ses antihéros et ses névrosés. C’est à travers cette « famille » dysfonctionnelle que Tyrfingsson observe et questionne le fonctionnement des êtres humains, leur comportement, leurs secrets, leurs désirs et leurs actes.
Comme souvent chez Tyrfingsson, les symboles deviennent peu à peu des sortes de leitmotivs. Ici, ce sont les pigeons et les pommes de terre, la paix et la nourriture (le fondement de toute société en bonne santé), mais aussi la mère pomme de terre (qu’incarne le personnage de Lisa), qui empoisonne ses enfants, mais leur donne aussi la vie. Ces pommes de terre, c’est le réel, le quotidien. Malgré leurs outrances et leurs folies, ces personnages qui évoquent le célèbre tableau de Van Gogh, n’aspirent au fond d’eux-mêmes qu’à vivre normalement et en paix avec autrui.
« Cette pièce est très forte. Je l’ai lue hier soir et viens de reprendre la fin. Elle est bouleversante. Il y a une réelle intelligence des rapports humains et du drame. Bien sûr dans un registre trash et déjanté, mais c’est le registre de l’auteur. Et il y excelle. Evidemment que tout est déjà fichu pour ces personnages, depuis le début peut être, tellement ils sont borderline, tellement ils semblent toujours outrepasser les limites (dans les actes, dans les mots, dans leurs rapports familiaux…etc). Mais l’on comprend bien, progressivement, qu’il y a un acte fondateur : c’est cette relation quasi incestueuse - en tout cas illicite peut-être - entre Lisa et le gamin de 15 ans.
Je trouve la fin étonnante. Cette forme de résolution, de remise en ordre… On se dit que quelque chose va pouvoir démarrer… sainement - pour chacun d’entre eux. Mais, à aucun moment, il n’y a de sensiblerie, de mièvrerie. L’auteur réussit à tenir son registre trash, gore jusqu’au bout sans jamais rien lâcher de cela. Je crois qu’il faut faire lire cette pièce encore. Il me semble qu’elle mérite d’être découverte. Elle devrait intéresser un metteur en scène. » (Etienne Marest)