Dans l'Angleterre des années 60, un fait divers terrible qui avait soulevé des réactions indignées à l'époque et qui, malheureusement, a encore des résonances aujourd'hui, en Europe et ailleurs.
Racontée dans l'au-delà du temps par son ami Àjò (personnage à la fois réel et fantomatique qui est un peu son double), l'histoire de David Oluwale, un jeune Nigérian surnommé Yankee par ses copains tant il était entiché d'Amérique. Comme nombre d'immigrants, ledit Oluwale arrivé tout jeune homme en Angleterre à la poursuite de ses rêves n'y a trouvé que malheur et désillusion. D'abord employé à des travaux pénibles dont les blancs ne veulent pas, il est ensuite incarcéré plus souvent qu'à son tour ; puis interné en hôpital psychiatrique à de multiples reprises et soumis à des séances d'électrochocs à répétition. Il en ressort absent de lui-même, l'esprit en vrac, sans domicile fixe, et devient l'objet de persécutions répétées de la part de flics racistes, dont deux en particulier qui finissent par le balancer dans les eaux sales de la rivière locale et le tuer. Plus tard, Polly Perkins un autre flic – intègre celui-là – finira toutefois par enquêter et faire condamner les deux tortionnaires.
Inspiré à l'auteur par un livre documentaire de Kester Aspden, The Hounding of David Oluwale, la pièce d'Oguntokun n’est en aucun cas une adaptation du livre d'Aspden, mais une sorte de variation très personnelle, à la fois polémique et lyrique, sur l'histoire relatée dans cet ouvrage.
Pour Oguntokun comme pour ses deux traducteurs, il s'agit de rendre hommage à un martyr de l'immigration bienvenu en ces temps incertains.
Isabelle Famchon
En revisitant cet événement tragique qui aura marqué l'actualité et les esprits au Royaume-Uni, Wolé Oguntokun apporte des éléments de réflexion nouveaux sur la perception et le traitement de l'étranger. En ressuscitant David Oluwale, Oguntokun rappelle les conséquences d'actes et de discours politiques déshumanisants sur le quotidien des personnes ciblées. Il met en évidence la vulnérabilité de certains migrants autant sur le plan financier que psychique. La parole qu'il donne aux policiers nous permet d'accéder à la mécanique des violences policières envers ceux qui deviennent malgré eux les souffre-douleurs d'une société.
Raymond Dikoumé