Búfals, Lleons et Girafes composent les trois parties de la « trilogie animale » de Pau Miró. Les trois pièces se déroulent dans une unité de lieu : une blanchisserie de quartier. On y retrouve des thèmes qui sont chers à l’auteur : l’enfermement, la difficulté de trouver sa place dans une société à plusieurs vitesses, l’ancrage permanent dans l’époque…
Mais ici l’auteur se concentre particulièrement sur les relations qu’elles soient familiales (dans les liens fraternels, les conflits intergénérationnels, le poids des secrets mal cachés, le couple…) ou humaines. La bestialité y est omniprésente. La bestialité comme animalité de l’homme, comme ce qu’il ne peut pas réprimer malgré tous ses efforts pour rester « normal ». Dans ces trois pièces, les personnages sont mus par quelque chose qui les dépasse.
Dans Lleons, cette sorte d’instinct prend une place prédominante, bien sûr les personnages sont conscients, mais les épreuves, les difficultés de la vie font naître en eux des comportements inattendus. Les réactions aux malheurs, ne sont pas ici simplement psychiques, les personnages ne sont pas tristes ou aigris ou emplis de colère, non, ils se déchirent de l’intérieur, perdent l’usage de leurs jambes, passent leur temps à chanter, boivent, frappent. Ils sont des corps en mouvement, dans le mouvement. Des corps pris dans un jeu dont ils ne connaissent pas forcément les règles. Cette prise en considération physique des personnages renforce la théâtralité du texte. De plus, grâce à son écriture ciselée, Pau Miró fait naître un style et un rythme étonnants qui éloignent directement la situation du drame anecdotique et familial, mais qui surtout parviennent à l’élever vers une forme quasiment tragique : pris dans le tourbillon de leurs émotions les personnages ne maîtrisent plus leurs gestes ni leurs mots. C’est au-dessus d’eux que cela se passe. Ils sont comme des animaux entre les barreaux de cages plus ou moins grandes, à ceci près qu’il leur reste la pensée, l’espoir, le rêve.
Enfin, on retrouve dans Lleons, la force poétique propre à Pau Miró, cette capacité à se détacher du réel. Une fausse légèreté dans les dialogues qui peut faire sourire par moment mais qui ne fait que masquer la brutalité et la violence de ce qui se joue.