Luke Evans a dix ans et se prépare, non sans appréhension, à intégrer le collège. Orphelin de père et de mère, il vit seul avec sa mamie, très croyante qui l’élève dans le respect absolu de la religion et la crainte de Dieu. Pour comprendre une réalité difficile à supporter, il s’est inventé un ami imaginaire, L’ombre, un extra-terrestre tout droit sorti de sa bande dessinée préférée. Investi d’une mission par le Centre Glactique, L’ombre doit observer et étudier la planète Terre et dire si elle est prête ou non à intégrer la Ligue Glactique des Civilisations. Luke lui sert de guide et d’interprète sur Terre. Sur leur route, ils croisent Katie Fletcher, une voisine. Elle a presque douze ans, va déjà au collège, ne suit pas les cours de catéchisme et dit des jurons. Impertinente et sauvage, elle devient une sorte de grande sœur mi-protectrice mi-cruelle pour Luke et tente de l’initier aux mystères de la sexualité. Un jour, elle lui révèle le plus grand secret du monde entier : la sirène qu’ils entendent tous les soirs au loin ne vient pas de la fromagerie de Whitland, comme l’affirme la mamie de Luke, mais de la base militaire. Bientôt, elle retentira et tout le monde sera brûlé vif par l’explosion des milliers de bombes nucléaires qu’elle abrite. Mais personne ne connaît la date exacte de cette apocalypse. Pour oublier, Katie se perd dans les bras des garçons de sa classe et Luke collectionne les bouteilles de verre rejetées par la mer. Dans ce clair-obscur inquiétant, où les adultes cachent la vérité aux enfants, Luke et Katie se réconfortent en attendant la fin du monde.
Seul survivant d’une apocalypse au sein de sa propre famille (la perte de ses parents), Luke craint la fin du monde. Passionné de bandes dessinées, il s’invente un héros, L’ombre, venu enquêter sur la planète Terre, comme si Luke lui-même ne comprenait pas bien la planète sur laquelle il vit, où Dieu est omniprésent et pourtant invisible, où son papa et sa maman l’ont abandonné. Pris entre une mamie qui lui explique tout à travers le prisme de la religion et la vision alarmiste de la petite Katie Fletcher, Luke tente de se réapproprier la réalité et de trouver la vérité. À travers L’ombre, qui ne cesse de lui poser des questions, Luke essaie de comprendre : qu’est-ce qu’une fille ? une fleur ? À quoi servent les adultes ? Comment reconnaître un mensonge ? Où peut-on rencontrer Dieu ? Pourquoi Luke n’a-t-il jamais pleuré depuis la mort de ses parents ? Et cette sirène au loin ? Vient-elle de la fromagerie ou de la base militaire, où des millions de bombes sont prêtes à exploser et à détruire la planète ? Et puis L’ombre lui permet de dire ce qu’il n’arrive pas à dire, comme un double de lui-même plus audacieux, plus lucide et moins obéissant. Avec humour (les découvertes de l’extra-terrestre donnant lieu à des situations cocasses et les scènes entre Katie et Luke ayant toute la drôlerie des enfants de cet âge-là), entre cruauté et rite d’initiation, la pièce de Gary Owen nous interroge sur notre monde et sur la responsabilité des adultes, à travers le regard d’un petit garçon qui ne veut pas qu’on le ménage sous prétexte de le protéger. Cette pièce se situe dans les années 80, avant la télé-réalité et avant les catastrophes de Bhopal et Tchernobyl. Comme si Luke pressentait ces drames à venir, il cherche désespérément à comprendre pour vivre.