I : Léon, cuisinier de l'évêque Grégoire, se propose de partir à Trèves, de l'autre côté du Rhin, pour délivrer Atale, neveu de l'évêque, tenu prisonnier depuis un an, suite à une trêve éphémère entre le royaume des Francs et celui des « Barbares ». Grégoire accepte la proposition de Léon sous une condition : qu'il ne dise jamais de mensonge.
II : Léon arrive chez le comte de Kattwald, où il se fait embaucher comme cuisinier. Il se lie d'amitié avec la futée Edrita, la fille du comte, qui lui présente Atale, qui préfère rester captif que d'être délivré de manière « vulgaire » par un valet. Mais Léon avance avec son plan et tient sa promesse à Grégoire : il dit toujours la vérité, aussi énorme soit-elle – ce qui fait que, paradoxalement, on ne le croit pas, par exemple quand il raconte vouloir s'évader avec Atale.
III : Léon, qui a essayé de dérober la clé du château dans la chambre de Kattwald, se fait prendre sur le fait par celui-ci. Mais sa fuite avec Atale finit quand même par réussir grâce à l'aide d'Edrita.
IV : Edrita a rejoint Léon et Atale dans leur fuite – en arrangeant en passant une de leurs maladresses qui a failli les remettre dans les mains de Kattwald – car elle ne veut ni rester avec son père, ni se marier avec Galomir. Celui-ci se lance à ses trousses mais devient finalement une autre victime de ses ruses. Au moment de traverser le fleuve c'est Léon, avec son vœu de vérité, qui leur permet de faire cause commune avec le passeur, ennemi juré de Kattwald.
V : Les trois fugitifs arrivent à Metz, suivis de près par Kattwald et ses valets. Mais quand ceux-ci veulent chercher des renforts dans la ville, tenue par les « Barbares », il s'avère que l'armée franque vient d'arriver et la prendre. Grégoire est là aussi, qui se réjouit des retrouvailles avec Atale, et est prêt à le marier avec Edrita. Léon par contre, demande à rejoindre l'armée du roi. Mais il s'avère que le désir de partir n'est pas tant dicté par l'envie de voyager, mais plutôt par un chagrin d'amour : lui aussi aime Edrita. Il est cependant prêt à la laisser à Atale, mais ne veut pas assister au mariage. Il s'avère qu'Edrita aime Léon, pas Atale ; et celui-ci, tout comme Grégoire, acceptent et bénissent cette union.
La traduction a su rendre la langue du 19e de Grillparzer sans anachronismes ou facilités (pas de traduction en vers), mais elle reste pourtant lisible et fluide pour un public d'aujourd'hui.
Quelques personnages intéressants, et au niveau du contenu et théâtralement parlant : Il y a Léon, dans la pure tradition des valets de comédie (le début de l'acte II fait penser à Jacques les Fataliste de Diderot) : un régal pour un comédien et pour le public ! Il y a aussi Galomir « le stupide », qui, dans le 4e acte, parle dans une langue artistique-artificielle (« petit nègre » avec des infinitifs), moyen qui est utilisé dans le théâtre contemporain, mais qui paraît assez étonnant pour une pièce du 17e siècle.
Il n'y a qu'n seul personnage de femme pour 13 hommes : il y a un certain déséquilibre – comme souvent dans le théâtre classique. Mais Edrita est un personnage très intéressant : intelligente, rusée, très loin de la jeune première naïve. Une femme qui, au Ve siècle, essaie de s'affranchir de la gouvernance paternaliste de son propre père et de la société.
Le déplacement dans le temps permet à Grillparzer d'envoyer quelques piques satiriques et drôles sur les Français et les Allemands (les Francs et les « Barbares »), un peu à la manière d'Astérix. De manière plus sérieuse, et peut-être aussi polémique (vu d'aujourd'hui), la pièce aborde la guerre entre les Francs – catholiques –, qui représentent l'avenir et les « Barbares » germaniques, frustes et rétrogrades, admirateurs de Wotan et Teut. Edrita, pour pouvoir se marier avec un Franc, veut se convertir pour être du côté des lumières. Mais le « happy-end » de la comédie (bien que Léon soit « adopté » par Grégoire et donc élevé au rang de noble) est quand même le triomphe du mariage d'amour sur la bienséance et la crainte de mésalliance !