Saint-Pétersbourg, le 9 janvier 1905, dans la salle de répétitions d’un théâtre, tout près du fleuve Neva. Anton Tchekhov est mort quelques mois auparavant. Sa veuve, Olga Knipper, comédienne du Théâtre d’Art de Moscou, a été invitée pour jouer dans La Cerisaie. Elle répète son monologue mais « ça ne sort pas ». Rien ne va, d’ailleurs : seuls deux comédiens de la troupe, Macha et Aleko, sont venus se joindre à elle pour la répétition. Les autres se font attendre, de même que le directeur et les employés du théâtre. C’est que dehors, dans les rues de Saint-Pétersbourg, c’est un autre drame qui est en train de se jouer : en ce dimanche de janvier 1905, l’armée du Tsar a ouvert le feu sur les milliers de manifestants qui défilaient dans la ville. Pendant ce temps, les trois personnages, enfermés dans leur bulle de plus en plus fragile, tentent de sauver la pièce, de défendre leurs valeurs, de préserver leurs souvenirs. Olga Knipper vit dans la mémoire d’Anton Tchekhov, imposant aux autres comédiens de jouer et de rejouer son agonie. Alors ils jouent : des scènes de la mort de Tchekhov, des scènes des pièces de Tchekhov… et parfois, le théâtre se mêle à la vie, alors on ne sait plus distinguer le vrai du faux dans ce qui est dit.

S’il est question dans Neva de la mort de Tchekhov, de la Russie, d’une révolution pressentie, la portée du texte s’étend bien au-delà des circonstances évoquées. Neva est avant tout une pièce qui met les comédiens à l’honneur, même quand ils y sont décriés, une pièce qui en dit long sur l’engagement à la fois politique et théâtral, si cher à Guillermo Calderón.