Cinq célibataires qui "veulent faire quelque chose de leur vie" se battent entre eux et avec eux-mêmes pour ne pas être engloutis dans le tourbillon de la compétition. Et - indépendamment de l'image que chacun veut donner de soi-même - ce combat les rend d'abord sympathiques. La pièce fonctionne sur l'effet de reconnaissance : une femme élégante, une carriériste qui tente de placer de force sa vie solitaire sur une trajectoire ordonnée, un chômeur en maillot de corps qui commence par se lamenter, puis fait de l'agitation et finit par organiser la publicité autour de son nouveau départ, une étudiante toujours gentille qui traverse le jour en rêvant, en quête du bonheur, un agent nerveux qui est toujours au top, mais désespère de son économiseur d'écran, et une serveuse terne en tenue grise qui traverse en se lamentant sa vie quotidienne monotone. Solitaires ou animés par la dynamique du groupe, ils se refont par la parole leur (notre) identité troublée, phrase après phrase. Et jour après jour, après que le réveil, qui hurle comme une sirène d'usine, les ramène dans leur cauchemar qui porte ici le nom de vie. "Voilà le visage avec lequel je dois sortir. Un peu plus différent vaudrait mieux, d'une certaine manière."
Le texte de Gesine Dackwart est constitué de monologues qui se hasardent parfois hors du for intérieur, débouchent presque, çà et là, sur des dialogues, que leurs protagonistes interrompent cependant au moment décisif par peur d'être déçu. Le cul entre deux chaises, entre les îles de l'emploi, sur la mer agitée du temps, il reste beaucoup de place pour les associations d'idées, mais aussi pour une dynamique hypersensible entre le silence aux accents songeurs, l'activité frénétique et les crises d'hystérie. La tristesse se dissimule dans l'alternance entre la frustration et les petites victoires. Mais elle guette dans les têtes - l'esprit bloqué, comme usé par les banalités. Il y a longtemps qu'il ne s'agit plus du pain quotidien, au sens originel. On écrit cinq histoires quotidiennes solitaires sur le combat pour la confiance en soi et le succès, bien que l'on sache combien sont absurdes les prestations de service que l'on fournit, et jusqu'à sa propre existence.
Gesine Dackwart a mêlé dans une composition cinq voix sur les petits boulots et les carrières, sur les salaires de la peur et les raisons pour lesquelles on les dépense, par exemple pour les baumes qui apaisent le vide et la solitude, que ce soit avec du travail ou sans. Le plus souvent, ils sont introvertis jusqu'à l'autisme, parfois froids et distants, parlant d'eux à la troisième personne du singulier, d'autres fois, rarement, ils utilisent le mode du dialogue timide. Si autant de musicalité légère et d'esprit du langage n'entraient pas en jeu, il en ressortirait peut-être un tableau effroyable et déchirant des âmes qui s'asservissent elles-mêmes sous le capitalisme.