Terrain vague au crépuscule, soûlerie juvénile, trois garçons, un ours en peluche. Miguel, Enrique et Angel, adolescents livrés à eux-mêmes, attendent que quelque chose se passe, que l’existence affleure, que leur chienne de vie prenne enfin un tournant. En attendant, ça se cogne et ça se confie, ça se livre et ça s’insulte. Et l’ours en peluche est tour à tour prétexte aux confidences, catalyseur de leur rage, rendez-vous de leur tendresse. Mais surtout témoin de leur histoire, l’histoire de trois petits caïds déboussolés, rêveurs mais lucides.
Avant tout, Ignacio del Moral crée un espace de liberté : un espace qui naît de cette heure particulière du jour, entre chien et loup, et de ce lieu retiré, indistinct. Préservé. Cet espace ouvre alors le champ des possibles à ces laissés-pour-compte… À porter au plateau, quelle brèche jouissive !
Ces trois garçons en difficulté sociale ont envie de s’amuser. Désespérément. Et cet enjeu vital sera le fil ténu de leur nuit… et de cette pièce au format court et dense.
L’unité de temps et de lieu permet un focus total sur les échanges entre les garçons. Dans leurs mots, dans leurs gestes, ils sont vifs et directs, parfois grossiers, souvent drôles, toujours percutant. Palpable, derrière leur carapace, leur recherche d’une sortie de secours. Sans complaisance et avec beaucoup d’humour, l’auteur pose la question du sort de cette jeunesse désoeuvrée et a priori sans futur, et de la possibilité d’aimer, envers et contre tout. Violence et espoir, à l’état brut, se partageront alors le devant de la scène !
Si la force de Nounours peut résider dans son format, l’auteur a étiré la nuit de ces trois personnages dans une oeuvre postérieure : La noche del oso, La Nuit de l’ours, éditée en France aux éditions de l’Amandier, montée au Théâtre de l’Atalante en 2011 par Agathe Alexis et chorégraphiée par Claire Richard. Dans cette version longue, Miguel, Enrique et Angel évoluent dans des lieux multiples, et on en apprend plus sur leurs différentes origines sociales. L’auteur développe leur innocence naïve, leur colère impuissante et leur boxe avec la vie.