Viatcheslav Poruchnev, un jeune capitaine russe, revient de la guerre en Ukraine gravement blessé par un tir d’obus. Il reçoit le titre de héros pour avoir détruit le théâtre municipal dans une ville ukrainienne. Chez lui, l’attendent une épouse, Anastasia Poruchneva, qu’il n’aime pas, une belle-mère hostile, Ludmila Porechenko, et un ami, Serguei Mironov. Personne ne veut l’entendre raconter sa vérité sur la guerre. De plus, sa femme et les autorités militaires, qui commencent à trouver son comportement étrange, veulent le renvoyer au combat.
Par acquis de conscience ou par désir de performance, Poruchnev retourne au combat et vit les événements de Marioupol, mais cette fois-ci du côté opposé, du côté des habitants de la ville, qu'il tente de sauver d'une attaque au missile dont il connaît précisément le jour et l’heure. À Marioupol, Poruchnev fait la connaissance d’Oksana et de sa fille Sofia dont le père est mort à la guerre. Poruchnev comprend que sa vraie vie est là, devant lui. Il tombe amoureux d’Oksana et veut les protéger elle et sa fille, se sent coupable et veut réparer ses crimes...
Deux mondes et deux points de vue se mélangent dans la tête de Poruchnev et sur scène où l’on passe de l’un à l’autre camp.
L’intérêt de cette pièce est qu’elle a été écrite dans l’urgence, au début du conflit, l’auteur se faisant l’interprète des Russes qui s’opposent à la guerre, qui la condamnent (même silencieusement).
L’écriture est travaillée, l’auteur aime jouer avec la langue, s’amuse à créer des jeux de mots, crée une véritable tension dramaturgique par la volonté infaillible du personnage principal de racheter ses fautes. Autour de lui, les personnages ont une vraie consistance, les jeux de noir permettent de passer instantanément de Russie en Ukraine, certains personnages jouent plusieurs rôles (par exemple la belle-mère russe devient par moment une actrice ukrainienne) créant une sensation étrange d’un monde duel, d’une irréalité parfois presque burlesque face à l’horreur de la réalité.
Toute la pièce repose sur la réflexion du personnage principal Viatcheslav Poruchnev, son détachement progressif de sa vie en Russie, sa prise de conscience, sa culpabilité et sa décision finale de passer du côté ukrainien, de rejoindre Oksana et sa fille, même si le final reste en suspens : Oksana et Sofia s’éloignent, laissant Poruchnev seul. La pièce a en fait plusieurs niveaux de lecture, Oksana et Sofia étant mortes dans le bombardement. Poruchnev est mort aussi, intérieurement.