La scène se passe de nos jours, quelque part en Pologne. Le Père et sa flambante épouse, dite La Mariée, sont argentins et parcourent l’Europe en voyage de noce. Ils sont déjà passés par la Bulgarie et la Roumanie. Destination finale et fantasmée : un hôtel d’altitude dans les Alpes bavaroises. Un jour, sans savoir pourquoi ni comment, Le Père abandonne La Mariée dans une station-service inconnue. Il finit par se réfugier dans une « triste masure » d’une bourgade polonaise, proche de la frontière allemande. Le lieu est habité par deux frères polonais, Józef et Jánek, qui ne se ressemblent pas, mais ne se quittent pas d’une semelle et tuent le temps avec de petits jeux en écoutant la radio. Ils accueillent Le Père. Très vite, sans que l’on ne sache comment ni pourquoi, La Mariée retrouve sa piste et fait irruption dans la triste masure. Les deux mariés (un homme presque vieux et une jeune femme), entraînés par les deux frères polonais qui mettent en œuvre un programme tenant du jeu de rôles et de la domination, essaieront de retrouver leur amour perdu quelque part en route. Mais Le Père s’enfuit encore une fois. La Mariée reste seule, entre dans la chambre qui lui a été attribuée, referme la porte. Le sang coule sous la porte et envahit tout le plateau.
Les solutions qu’il a fallu trouver pour faire passer l’extraordinaire passage des deux frères polonais de leur idiome polonais (tenant du grommelot) à un espagnol passable, mais imparfait tout de même, animent un texte incisif et sous tension. Le récit n’y a pas de place et les indications qui font avancer l’action sont incluses dans un dialogue vif et percutant. L’absurdité des situations tient aussi du mystère maintenu sur ce qui a rapproché cette jeune femme inquiète de cet homme plus âgé qui la fuit. Que viennent-ils faire, ces deux Argentins, dans cette bourgade polonaise enneigée, eux qui ne visent que l’exaltation des cimes et le confort européen d’un hôtel bavarois ? Les deux frères sont-ils de braves garçons un peu demeurés ou s’apprêtent-ils à des actions plus sauvages, du genre « auberge rouge ». En fait le spectateur erre, s’attend à ce qui ne vient pas, et est surpris par ce qui vient. Ironique, raffiné et tendu.