Dijana, une jeune Croate de 22 ans, attend son dernier client ; dans quelques heures elle aura amassé assez d'argent pour racheter sa liberté au maquereau qui l'a séduite et l'a enrôlée de force dans son réseau de prostitution à Londres. Au cours de son incessant dialogue avec elle-même et les ombres de son passé, Dijana raconte, dans un anglais approximatif, l'enfer de l'exploitation sexuelle et de l'illégalité, alors même que son optimisme à toute épreuve nous livre le portrait drôle et sans compromis d'une femme victime de son innocence.
Quand le cœur est parti... est le fruit de la résidence de Lucy Kirkwood au Clean Break, compagnie de théâtre qui travaille depuis une trentaine d'années avec des femmes condamnées, emprisonnées, et/ou victimes du système judiciaire. Lucy Kirkwood parvient à allier dénonciation catégorique de l'intolérable et refus tout aussi catégorique d'un apitoiement larmoyant. L'anglais imparfait de son personnage constitue un matériau savoureux et poignant à traduire, reflétant à la fois la vulnérabilité du personnage face aux réseaux souterrains et au système judiciaire, et la force de vie cocasse qui lui permet d'en témoigner.
La structure tripartite de la pièce et son savant mélange d'objectivité et de subjectivité offrent une vision diffractée de Dijana, reflétant ainsi les déchirures du personnage. La troisième partie, antérieure à la première, interrompt la progression chronologique de la pièce et nous ramène à son point de départ, coupant court à tout espoir de salut. Les spectateurs, tour à tour voyeurs témoins des sévices endurés par le personnage, et confidents entraînés dans ses visions intérieures pleines d'humour, d'espoir, et de fantaisie, accompagnent Dijana au gré de ses rêves perdus et de ses cauchemars trop réels.