Bukowski est un auteur fasciné par les personnages déjantés qui existent dans des couches sociales défavorisées de nos cités actuelles. Il les peint avec une immense tendresse pour leur folie. Et si l’on rit beaucoup de leurs comportements décalés, l’on a tout autant le cœur serré devant leur détresse, leur solitude intime et sexuelle, leur soif éperdue d’amour. ELLE, la créature loufoque qui raconte ses échecs et ses espoirs dans ce monologue, appartient bien à cette même galerie de « loosers » auxquels s’attache Bukowski, ces perdants, ces paumés qui nous semblent lointains et qui, pourtant, nous sont tout proches par le besoin de cette enfance à laquelle ils refusent de renoncer, tout comme nous. Mais quand nous enfouissons au plus profond de nous l’enfant que nous sommes restés, eux, ils le promènent au vu et au su de tous, sans se rendre compte de l’incongruité de leur attitude.
Voici l’avertissement de Bukowski, en avant-propos de Rien de plus beau :
Avant-propos/mode d’emploi
Pour éviter un surplus de malentendus : avec la présente, vous n’avez pas acquis une autre pièce de la série en cours vomi-sang-et-sperme. Loin de là ! Par une erreur puérile, ELLE en vient à se souvenir imprudemment et - encore pire - à ESPÉRER. Tout le reste est derrière elle, aussi répugnant que ce fût. Par conséquent, elle parle avec légèreté, étonnée et presque joyeuse, des catastrophes de sa biographie. Autrement ce qui suit ne serait que platement pornographique et obscène. Rien de cela n’a à voir avec ELLE. ELLE aime.
Un rôle superbe pour la comédienne qui voudra s’y investir, avec la naïveté et le grain de folie indispensables, magnifiquement interprété lors de la création en langue française par Chantal Deruaz.
Un rôle de femme déjà mûre, dans la bonne quarantaine, un de ces rôles rares donc, où une comédienne peut jouer de son vécu et qui échappe à tous les clichés sur le féminin - encore trop présents dans bon nombre d’œuvres théâtrales.
Une véritable aubaine pour l’actrice, le/la metteur en scène et pour toute l’équipe artistique : il faut de l’invention là-dedans, pour être à la hauteur de l’imaginaire de Bukowski.