Dans cette pièce, Carnevali brouille les pistes de la narration conventionnelle. Ce sont ici des variations, des petites séquences, qui évoluent, se recoupent, et se répètent dans une forme sensiblement transformée. Les personnages principaux sont l’Homme et l’Autre Homme, qui varient sensiblement aussi d’identité au cours de la pièce : L’Autre Homme demeure néanmoins celui qui a quitté son pays, et l’Homme est tantôt celui qui occupe le pays de l’Autre Homme, tantôt le père, le grand-père, l’arrière grand-père de l’Autre Homme. La femme est tantôt la mère de l’Autre Homme, tantôt une maîtresse de l’Autre Homme, tantôt l’ex-fiancée de l’Autre Homme restée au pays…
Les thématiques de l’identité, de l’Europe, déjà très présentes dans Variations sur le modèle de Kraepelin, sont ici à nouveau développées, et à des fins dénonciatrices encore plus radicales. Nous retrouvons là encore une langue et une « construction-déconstruction » narrative d’une précision implacable, une forte dimension poétique et symbolique, toujours au service de la théâtralité, mais aussi d’un propos délibérément engagé sur le sort de l’homme et du monde contemporain. Ici, la folie n’est pas la perte de la mémoire, mais la perte de repères, la perte de l’identité culturelle, de la tradition, qui conduit au même dénouement. La folie abordée ici est aussi l’argent, le pouvoir, et la cécité qu’ils engendrent. Quoiqu’il en soit, une amputation.