On peut lire en épigraphe de la pièce de Franz Xaver Kroetz : « C’est le crime de Burbach à la brasserie Toscaklause qui m’a amené à écrire cette pièce. Personnages et situations sont purement fictifs. » L’auteur s’est en effet inspiré d’un « fait divers » survenu en Allemagne en 2001. Un enfant de cinq ans, Pascal Zimmer, a été abusé par un groupe de pédophiles, tous clients de la même brasserie dans les environs de Saarbrücken, avant d’être assassiné. Son cadavre n’a jamais été retrouvé. Ses bourreaux ont été jugés et condamnés en 2004.
Chaque tonton se défend, chacun raconte « son » histoire avec « son » Pascal. Au fur et à mesure, les personnages s’empêtrent dans leurs contradictions et dans leur vaine recherche d’un autre coupable qu’eux. Mais T’as bougé n’exhibera aucun coupable. La pièce est bien plutôt occupée à montrer comment tous, coupables et victimes, sont à la recherche de la même chose : l’amour.
Kroetz met le doigt sur les inégalités sociales en nous présentant les coupables et leur « crime à motivation sexuelle ». Il nous place aussi dans la peau de la victime, dans l’âme d’un enfant, mais aussi dans celle des deux femmes complices, une mère qui a perdu pied et la patronne du café qui détourne les yeux car il lui faut bien des clients pour vivre. Le regard de Kroetz est sans complaisance et le spectateur est contraint de voir.
La réalité, personne ne la connaîtra. Il y a pourtant tellement de réalité dans cette pièce ! Mais qui a envie de l’entendre, de la voir d’une façon aussi crue ? La langue, si typiquement kroetzienne, parce qu’elle est éminemment théâtrale, nous astreint à une écoute généreuse.