« Ulysse » est le nom donné par les geôliers de la prison militaire israélienne à un drôle de captif. Capturé en pleine mer, sur un radeau fait de bouteilles vides, Ulysse a essayé de braver le blocus israélien de la bande de Gaza. Il s'obstine à dire qu'il est professeur de lettres et qu'il voulait se rendre à Gaza pour y enseigner la littérature russe.
« Pourquoi russe ? » lui demande Maitre Isacov, son avocat commis d'office.
Ulysse lui répond qu'un million et demi de personnes enfermées sur cette bande de terre si étroite ont besoin d'espace, d'étendues infinies. Seule la littérature russe pourrait offrir ça aux Gazaouis.
La pièce se passe de nos jours en Israël. Destinée tout d'abord à un public israélien, elle le force à prendre position quant à sa responsabilité dans l'enfermement des Gazaouis. Le personnage d'Ulysse est un idéaliste sans concession aucune. Dans la prison militaire, avec son seul esprit, il résiste à toutes les humiliations pour rester humain. La littérature, tant chérie, lui vient en aide. Les personnages de Tolstoï, Tchekhov, Dostoïevski mais aussi ceux de Boulgakov et Nabokov accompagnent sa solitude. Son enfermement devient la métaphore de celui des Gazaouis. Eux qui sont privés de tout, même de livres. Le comportement d'Ulysse laisse Maitre Isacov face à un vrai dilemme quant à sa position d'homme de droit.
Maître Isacov est le personnage pivot de la pièce. Il est mis à l'épreuve de tous les côtés : par sa femme, par le procureur de l'armée, par son associé et par sa propre conscience. Maitre Isacov devra s'affirmer pour accéder au titre que la société lui prête : « a Mentch » (ce mot en yiddish qui signifie « être un Homme ».)
Cette pièce écrite avant l'incident de la flottille humanitaire turque nous montre encore la clairvoyance d'Evron quant au conflit du Proche Orient.
La pièce dépasse largement son cadre local et touche à des problématiques plus vastes comme la capacité de résistance de l'être humain et la place de l'appareil judiciaire dans une société dite démocratique.
« Qui peut prétendre à un comportement éthique ? » semble demander Gilad Evron à Israël. Mais qui sommes-nous pour critiquer le comportement d'autrui quand l'information nous arrive le matin sur un « journal couvert de miettes de croissant»...