Dans le panorama du nouveau théâtre catalan, l’œuvre de Lluïsa Cunillé occupe une place de choix. Depuis sa première création, Rodéo (Prix Calderón de la Barca, 1991), elle a écrit, publié et fait monter plus de vingt pièces, outre les adaptations théâtrales et les scénarios de films. Auteure prolixe et talentueuse, Lluïsa Cunillé a su créer au fil du temps un univers théâtral captivant et énigmatique, doté d’un fort pouvoir de suggestion.
Le critique et dramaturge José Sanchis Sinisterra perçoit dans son œuvre l’expression d’une « poétique de la soustraction » qui opère par élision des éléments constitutifs du drame conventionnel. Le temps et l’espace y sont souvent indéterminés, renvoyant à une quotidienneté sans transcendance. Dans ce théâtre du clair-obscur et des points de suspension, les personnages font également figure de silhouettes esquissées, laissant à peine entrevoir la profondeur de leur âme. Grâce à un style très personnel, Lluïsa Cunillé s’est ainsi frayée un chemin entre réalisme et absurde pour mieux dénoncer l’inconsistance du réel. Son humour subtil, parfois grinçant, fait contrepoids au spleen théâtral qui se dégage de son univers.
Parmi ses œuvres les plus importantes, il faut tout d’abord citer Rodéo (1992), pièce énigmatique qui retrace la journée d’une femme dans un magasin de pompes funèbres, puis Barcelone, paysage d’ombres (2004), où l’auteure défait l’image idyllique dont jouit actuellement la capitale catalane pour nous montrer l’envers du décor : l’effacement de la mémoire collective, l’exploitation des nouveaux immigrés et le désœuvrement de la jeunesse. On retiendra également Après moi, le déluge (2007), où la rencontre de deux occidentaux dans un luxueux hôtel de Kinshasa, est l’occasion d’un huit-clos qui interroge l’indifférence de l’Occident face la souffrance de l’Afrique.
Lluïsa Cunillé a trouvé en Xavier Albertí un metteur en scène complice, ayant porté à la scène bon nombre de ses pièces. Cette collaboration a également donné lieu à un travail d’écriture à quatre mains, dont l’auteure est coutumière puisqu’elle le pratique depuis de nombreuses années avec le dramaturge valencien, Paco Zarzoso.
Rodéo (1992), Barcelone, paysage d’ombres (2004), Après moi, le déluge (2007).