À propos de Martin Crimp
Ecrivain de théâtre et traducteur, Martin Crimp a véritablement émergé sur la scène britannique à la fin des années quatre-vingt, et sa reconnaissance à l'étranger, principalement dans le reste de l'Europe, ne s'est pas fait attendre. Ses pièces sont jouées en Belgique, en Italie, en Allemagne. Son théâtre, sombre et dérangeant, donne à voir la société contemporaine occidentale : compromissions morales et délitement social sont sous-tendus par une violence difficile à réprimer, qui finit par affleurer puis s'imposer.
Né en 1956 à Dartford, dans le Kent, il suit des études de littérature à l'Université de Cambridge. C'est là que sa première pièce, Clang- qui s'inspire des univers de Beckett et Ionesco- est mise en scène par un autre étudiant, Roger Michell, qui devient par la suite metteur en scène de théâtre et de cinéma.
En 1978, Crimp écrit un recueil de nouvelles, Anatomy, et un roman, Early Days, avant de se consacrer à l'écriture théâtrale.
Ses pièces sont produites par l'Orange Tree Theatre, théâtre expérimental de la banlieue londonienne, à partir de 1982.
En 1990 commence sa collaboration avec le Royal Court Theatre, qui monte No One Sees the Video, puis Getting Attention (1991), Attempts on her Life (1997), The Country (2000) et Face to the Wall, une petite forme de 15 mn (2002). Il est écrivain associé du Royal Court Theatre en 1997.
Egalement traducteur, Martin Crimp traduit ou adapte des pièces françaises, classiques et contemporaines : Le misanthrope de Molière en 1996, Le triomphe de l'amour de Marivaux en 1999, Les chaises de Ionesco en 1997, Les bonnes de Genet en 1999. Il introduit les spectateurs britanniques à l'écriture de Bernard-Marie Koltès : Roberto Zucco est créé par la Royal Shakespeare Company en 1997, et à celle de Christophe Pellet, avec la traduction de Encore une année pour rien, monté au Royal Court Theatre la même année.
Dealing with Clair (1988) met en scène un jeune agent immobilier, Clair, alors qu'il vend une maison de banlieue. La pièce, tout d'abord comédie de mœurs raillant la cupidité des hommes, prend une autre tournure lorsqu'un meurtre est commis. L'atmosphère de normalité que Crimp installe dissimule d'obscurs sentiments.
Play with repeats (1989) : suite de scènes sur le principe de la répétition et de l'escalade de la violence, la pièce a pour épigraphe une citation de P.D. Ouspensky : "Si tu recommences, tout sera comme avant, ou pire." Le spectateur suit les tentatives maladroites de Tony qui cherche successivement à engager la conversation dans un pub, obtenir une augmentation de salaire, séduire une jeune femme. La pièce revient à la scène initiale dans le pub, et Tony est poignardé par celui avec qui il essayait de sympathiser. Crimp examine l'aliénation que peut engendrer la ville : Tony n'a pas prise sur sa vie ; incapable d'agir sur le monde comme d'interragir avec les autres, il court inéluctablement à sa perte.
Le thème de No One Sees the Video est double : regard ironique sur le principe des études de marché, il s'agit également d'aborder le statut des femmes, ramenées au rang d'objets. Selon Crimp, cette pièce est celle de "la post-consommation, d'un monde où l'équation consommation = bonheur est une évidence, acceptée au même titre que les principes de Newton."
Sa pièce suivante, Getting Attention, est créée en 1991 au West Yorkwhire Playhouse à Leeds. Carol et Nick vivent dans une HLM avec leur fille de quatre ans, Sharon. Le couple se dispute et Bob et Milly, les voisins, écoutent. L'irritation initiale que Bob ressent vis-à-vis de Sharon s'amplifie peu à peu et l'amène au meurtre. Ce qui ressemble à la peinture réaliste de la vie d'un couple prend de tout autres proportions : Sharon, privée de nourriture, plongée dans de l'eau bouillante, est tuée. La pièce est terrifiante, mais Crimp ne juge pas ses personnages : ils se contente de montrer leur comportement.
L'écriture de Crimp confronte la tradition du théâtre britannique moderne - avec la précision des termes de Beckett, la menace contenue dans les propos des personnages de Pinter et les explorations formelles de Churchill - aux courants continentaux du surréalisme, de l'absurde et du post-sructuralisme. Le résultat, c'est "crimpland", un monde où les préoccupations ordinaires de gens ordinaires dissimulent à grand peine terreurs, vices et désirs irrépressibles. A partir de situations quotidiennes, Crimp rend palpable une profonde désolation spirituelle.
Texte rédigé à partir de la notice disponible en anglais sur le site http://www.litencyc.com