Deux ouvriers sur un balcon. Le duo est habituel : le premier ouvrier, le plus âgé des deux, est censé garantir que le travail se fasse dans les temps tandis que le second ouvrier, le plus jeune, retarde l’objectif car il est le plus rêveur et le plus fantaisiste des deux. Leur travail consiste à peindre un balcon en noir. Ils ont presque terminé quand ils se mettent à s’interroger sur le travail, sur ce que c’est que ce travail, qui en somme, fait passer le temps.
Le dialogue théâtral naît donc d’emblée d’une situation de parole insolite qui va être renforcée par l’apparition tout aussi insolite et inattendue d’une femme, de la femme. On ne sait pas d’où elle vient, on ne l’a jamais vue, elle n’a pas le droit d’être ici. D’ailleurs elle n’a pas de nom, mais elle a tout ce qu’il faut dans son sac : du café, de l’eau, un chapeau, un collier et du rouge à lèvres. Là où elle se trouve, il y a toujours une fête. D’une situation de parole insolite, on bascule ensuite dans un moment de vision, où la fantaisie et l’imaginaire font irruption dans le monde routinier des deux ouvriers. Il s’agit d’un rêve qui porte aussi avec lui le cauchemar de la folie, de l’enfermement.
Ce trio cache en lui un secret, celui de l’homme contemporain, tiraillé entre le Moi, le Surmoi, le Ça et les autres innombrables divisions contemporaines de son esprit. Le personnage de la femme est celui qui redonne son unité à cet être écartelé, et fait revivre son âme. Attention, l’âme siffle toujours deux fois.