Baglady, écrit en un seul mot, est comme le surnom attribué à ce personnage de l’errance, sans autre nom, sans âge, sans identité propre, affublée dans un lourd manteau d’homme. De son sac, elle va sortir des objets fétiches peut-être, témoins surtout d’un vécu, d’un passé en lambeaux qu’elle essaie de rapiécer : une robe de mariée, un jeu de cartes… Les cartes ne servent plus à dire l’avenir, comme le Tarot, mais à conjurer un passé. De ce passé surgissent des figures d’une oppression en grande partie masculine, père ou prêtre, mais aussi toute une société qui ne veut rien voir, rien entendre. Baglady est venue ce soir casser le silence imposé qui l’étouffe.
La langue de Baglady est dense, poétique, riche en images, hachée, violente parfois. Elle est aussi multiple, puisqu’elle épouse le parler des multiples personnages de l’imaginaire de Baglady et de son passé. Elle constitue la seule arme de Baglady, puisque ce soir elle va transgresser, elle va dire, contre tous les interdits, elle va enfin se dire. Sa parole sera-t-elle libératrice, à la fin ? On ne sait. En tout état de cause, elle met en question, en accusation, tous ceux qui l’entendent, le public de théâtre, l’hypocrite lecteur qui a l’habitude de détourner le regard et de fermer les oreilles. Elle devient métaphore de la fonction même du théâtre.