Un poète miteux, déçu de ne pas être le gardien de but professionnel qu’il avait rêvé, se retrouve défiguré dans un accident de voiture et reconstruit par erreur en quelqu’un d’autre par la chirurgie. Sa soudaine célébrité en tant que greffé du visage déclenche une crise d'identité chez l'inventeur de toilettes d'un nouveau genre dont il a pris la place.
Ici, l’histoire est celle d'une seconde chance, d'une erreur d'identité, de l'attrait de la célébrité, du poids des responsabilités, dans un contexte d'euphorie hyper-capitaliste au tournant du millénaire où la technologie déshumanisante menace de supplanter l'homme.
Et dans tout cela, quelle est la place de l'amour ?
Pour avoir réalisé le surtitrage de ces deux derniers spectacles La Laison de thé et Le Septième Jour (créé en Avignon), j’ai eu l’occasion de plonger au cœur du processus de création de Meng Jinghui et de me rendre compte à quel point le fonctionnement organique de son travail permet au traducteur de le suivre viscéralement. La poésie, la musicalité, l’espace et les multiples dimensions philosophiques et politiques de son écriture théâtrale m’ont incitée à me replonger dans ses pièces antérieures. Head Without Tail est la première qu'il a signée personnellement. Celle vers laquelle il désire attirer notre attention 20 ans après l'avoir écrite. Celle qui lui tient le plus à cœur, sa première œuvre intime, celle qui à l'époque était trop en avance sur son temps et rétrospectivement visionnaire.
Satire, humour, déconstruction de la narration mais esthétique aussi variée qu’expérimentale sont la marque de fabrique de Meng Jinghui.
Le plaisir que j'ai toujours à le traduire me fait dire que son écriture mérite d'être appréhendée nue et de se confronter à différents styles de mises en scène. La pièce est d’une structure complexe et riche, au récit éclaté mais percutant. Ici, la poésie éclaire la réalité d'une société en plein bouleversement. 20 ans plus tard, dans le monde d’aujourd’hui, la pièce résonne encore plus fort et plus juste encore.
MJH tient à ce que le public remporte chez lui bien plus que le souvenir d'effets comiques auxquels on le réduit trop souvent. Pour lui, plus que le résultat final, c'est le processus qui importe. On le sent à plusieurs niveaux : dans le style de son écriture et la composition de ses spectacles. Dans la philosophie de vie qu'il partage avec nous et dans ce qui arrive à ces personnages. Un titre comme Head Without Tail nous dit que les histoires d'amour ont un début mais pas forcément d'issue, qu’elles n’en restent pas moins des instants vécus. À l'image de la vie, à quoi bon se soucier de l'issue tant elle est impossible à maitriser. Que reste-t-il alors ? L'absence de logique, l'absurde, le mystère, l'imaginaire, des rêves, des désirs, des fantasmes, des espoirs, des illusions, des désillusions, des désespoirs, le dialogue avec l'autre dans l'instant présent et le rapport à un environnement que nous n'avons pas souvent choisi mais dont nous sommes responsables.
Recherche d'identité, difficulté d'être soi, impossibilité d'être un autre… et si l’autre était soi ?