La pièce met en scène quatre personnages : Berna et Hector, un couple âgé, propriétaire d’une collection d’art mystérieuse et convoitée ; Carlos, leur homme à tout faire ; Susana, une jeune collectionneuse d’art. L’action se déroule au domicile du couple : une maison avec un étrange trou au plafond, qui abrite également la collection. Sans descendance et inquiets pour la destinée de cette dernière, ils se cherchent un héritier. Invitée à passer quelques jours chez eux, Susana comprend qu’elle pourrait être appelée à s’occuper de cette collection : la collection des collections, une œuvre d’art à part entière dont la légende a fait le tour du monde, même si rares sont ceux qui l’ont vue et plus encore ceux qui en font un récit fiable. Susana espère être l’élue, mais les péripéties s’enchaînent et rien ne se passe aussi facilement qu’elle le voudrait.
L’action est construite comme une murder party où le corps du délit est remplacé par le sort incertain d’une collection mise en péril et où chaque personnage, par amour pour sa famille, pour sa collection d’art, peut-être même par amour-propre, s’évertue à cacher ses intentions véritables. Chacun joue à jouer un rôle et rien de ce qui est énoncé par les uns ou les autres ne peut être pris pour argent comptant. Entre le bluff, les alliances secrètes et les intentions toujours dissimulées, c’est la mécanique de la vente aux enchères qui vient se superposer à celle de la pièce.
La pièce nous embarque dans un voyage vertigineux, borgésien, nous invite à nous promener non pas dans une collection mais dans l’Idée d’une collection des collections, dans une bibliothèque de Babel des arts, capable, comme l’avait rêvé Abby Warburg, d’établir, à travers les liens secrets entre toutes les pièces, une indicible et mouvante vérité de l’art et de l’âme humaine. Et notre seul accès à cette vérité est la légende de son existence. La collection est une collection de mots, une collection qui, pour exister, doit être rêvée. C’est l’invisibilité de la collection, sa visite toujours remise à plus tard, en d’autres mots son mystère, qui la rendent immense, infinie, toute-puissante, fascinante.
Sous l’apparence d’une langue simple, voire austère, et transparente, la pièce propose un vrai défi de traduction : la syntaxe faussement évidente, les répétitions, échos et variations, les formulations ambigües sont à l’image d’une tension permanente entre la sincérité des confidences et des complicités, et le doute qui plane sur chaque mot prononcé.