Résumé
Un couple "d'espagnols-moyens" et leurs deux enfants, venus ramasser des coques sur une plage déserte, se sont passablement éloignés de leur voiture (dont le père, prudent, a ôté une bougie afin de prévenir tout risque de vol !). Au détour d'une dune, ils sont confrontés à deux hommes noirs, un mort et un vivant, Ombasí. Celui-ci tente d'expliquer qu'il vient d'enterrer sommairement son ami, qu'il n'a pu sauver de la noyade quand le passeur s'est débarrassé de sa "cargaison" de clandestins très loin de la côte. Barrage de la langue, incompréhension et terreur de la famille blanche qui imagine aussitôt les pires choses, dans une démonstration de "racisme ordinaire plus bête que méchant" des plus réalistes et comiques à la fois.
Le père ayant, dans sa panique, perdu la fameuse bougie de voiture, ils sont contraints de passer ensemble la soirée et la nuit jusqu'au petit matin, dans une suite de tentatives d'approche d'Ombasí, plein d'illusions, et de petites avancées plus confiantes suivies de reculs démesurément effrayés des parents, qui donnent lieu à une succession de scènes de méprise très drôles ou parfois plus tendres, où affleurent tous les préjugés mais aussi de façon générale la façon de vivre de nos contemporains, scènes entrecoupées de rêves où Ombasí parle avec son ami mort, nous révélant ainsi un autre monde, une autre mentalité et les illusions des immigrants clandestins, dans une ambiance plus onirique et poétique.
Cette incompréhension (à la différence du lecteur-spectateur, la famille espagnole est censée ne pas comprendre les paroles d'Ombasí) arrivera à son comble quand, la peur engendrant la violence, les deux hommes se battront, avant l'intervention de la police, qui nous laisse provisoirement dans le doute quant au dénouement, lequel nous sera livré dans la dernière scène, où Ombasí parle avec son compagnon défunt qu'il a définitivement rejoint.
Regard du traducteur
Pièce forte, toujours actuelle, qui, avec la façon si personnelle qu'a l'auteur de traiter sur le mode comique un sujet des plus graves, parvient à créer un univers parfaitement crédible, authentique et efficace.
Ignacio del Moral offre son point de vue social et éthique sur la réalité immédiate où l'injustice, la peur des différences, les inégalités sont mises en évidence, sans grands discours ni tragédies déchirantes, à partir du quotidien, qui révèle tous les ratages, les frustrations, les peurs, la lâcheté, les haines et tout ce qui rend agressifs et mesquins des humains tout à fait "normaux", mais pétris de préjugés. Bien sûr, on rit et la pièce est drôle, avec ses dialogues vifs, directs, percutants. C'est pourtant une pièce dure, mais qui sait présenter la dure réalité à travers une palette de tonalités allant de l'humour et de l'ironie à la poésie, en passant par le mystère et la tendresse.
Pour moi, c'est une grande pièce, qu'un metteur en scène devra à tout prix éviter de tirer vers la facilité, en la maintenant sur le fil de ce difficile et précieux équilibre qui la caractérise. Le jeu en vaut la chandelle !