Berlin, au début du siècle. Dans les combles d'une caserne désaffectée devenue immeuble d'habitation, l'ancien directeur Hassenreuter a entreposé ses réserves de costumes et d'accessoires de théâtre. C'est dans ce lieu qu'il donne une sorte de cours privé d'art dramatique. Madame John, une habitante de l'immeuble, a la charge d'y faire le ménage. Une jeune domestique polonaise, Piperkarcka que son amant a abandonnée après qu'elle se f?t retrouvée enceinte, veut se jeter dans le canal de Berlin. Madame John, qui a récemment perdu un enfant en bas ‚ge, convainc la jeune fille de mettre l'enfant au monde et de le lui confier. Elle le fera passer pour son propre enfant, aux yeux mêmes de son mari, un maçon qui rentre d'un long chantier dans le nord de l'Allemagne. Son nouveau bonheur maternel dure peu de temps. La mère véritable, prise de remords, veut reprendre son petit. Madame John demande alors à son frère, un voyou un peu arriéré mental, d'intimider la jeune polonaise. Il la tue. Se croyant suspectée par la police, voyant son mari soupçonneux, Madame John voit son bonheur s'effondrer. Elle se suicide. A cette tragédie se mêle une comédie qui voit l'affrontement du directeur Hassenreuter, représentant d'une conception classique et idéaliste de l'art en général et du théâtre en particulier, et de l'étudiant en théologie Spitta qui prend auprès de lui des cours de théâtre. Ce dernier, porte-parole des idées sociales et esthétiques de Hauptmann, affirme qu'"un coiffeur ou une femme de ménage peuvent tout aussi bien être sujets de tragédie qu'une Lady Macbeth ou le roi Lear". La tragédie de Madame John lui donnera raison.
La tragicomédie "LES RATS" présente un certain nombre de caractères tout à fait originaux. Le plus éminent est constitué par la mise en abyme de la question esthétique du thème au théâtre. Si le sort du personnage de Madame John fait de la pièce une tragédie, cette tragédie est le creuset d'une comédie. Cette comédie met en scène le débat, l'affrontement esthétique entre un "professionnel" du théâtre, le directeur, acteur et pédagogue Hassenreuter, et un "apprenti" du théâtre, l'étudiant en théologie Spitta. L'un défend l'idée d'un théâtre qui doit se hisser au-dessus du banal et transcender la réalité quotidienne pour atteindre à son but : une élévation, une édification intellectuelle, tandis que l'autre, appelle de ses vœux un théâtre qui tire sa substance de la vie même, jusque dans ce qu'elle peut avoir de plus trivial ou de plus misérable. Si son cœur penche manifestement vers le jeune Spitta, Hauptmann ne donne cependant raison à personne, mais bien plutôt, saisit dans l'affrontement des deux conceptions le mouvement créateur qui doit animer tout dramaturge : qu'est-ce qui doit être représenté au théâtre ? C'est donc l'œuvre elle-même qui résout l'antagonisme. L'affrontement esthétique se noue dans le lieu même où le malheur frappe la plus grande innocence : un nouveau-né, lequel perdra finalement deux mères. Thomas Mann considérait "LES RATS" comme la plus réussie des pièces de Hauptmann. Aujourd'hui encore, elle est constamment représentée dans tous les théâtres de langue allemande.