La pièce comporte deux personnages, une mère d’une cinquantaine d’années et son fils d’environ 25 ans. Elle est composée de deux parties et d’un épilogue, ponctués par deux intermèdes. Chacune des parties comprend plusieurs tableaux (respectivement douze et huit).
La première partie se situe chez la mère, qui fouille dans des cartons à la recherche d’une citation découpée dans un journal, dont elle a oublié la fin. Son fils arrive alors qu’elle ne s’y attendait pas. S’ensuit une discussion décousue au fil des souvenirs et des réflexions. On comprend petit à petit que tous deux sont en proie à des angoisses récurrentes, notamment au sujet de ce qui vient de l’extérieur : l’interphone qui sonne ou même la couleur du ciel provoquent chez la mère des réactions déconcertantes. Le fils finit par s’en aller. La mère l’appelle au téléphone et lui confie que parfois, elle a le sentiment qu’il est mort depuis longtemps et que ses visites sont en réalité celles d’un fantôme.
L’intermède est une didascalie centrée sur un univers sonore. Le son de l’interphone y est assimilé à une danse des cafards.
La deuxième partie débute chez le fils. La mère s’y est rendue en son absence, et il prend peur en la voyant quand il rentre chez lui. Elle est persuadée que les scènes de la première partie ont eu lieu le jour même, alors qu’elles remontent à trois jours plus tôt. L’appartement du fils aussi est plein de cartons, dont sort à un moment un torrent de blattes. De nouveau, le temps passé ensemble est l’occasion d’évoquer des peurs, des angoisses, mais aussi des souvenirs communs. Dans le tableau VIII, on retrouve la mère chez elle, et un cauchemar raconté dans la première partie se réalise sur scène : un homme vient l’euthanasier chez elle.
L’intermède la transforme en fantôme, rejoint par un second fantôme, et tous deux reprennent la danse des blattes.
Dans l’épilogue, son fils la rejoint et ils finissent par retrouver la coupure de journal qu’elle cherchait : elle l’avait placée dans un classeur entouré de papier cadeau pour l’offrir à son fils au moment de son déménagement.
Par un après-midi pluvieux, une femme reçoit la visite inattendue de son fils. Elle tente de l’accueillir comme elle peut, bien qu’elle soit occupée à fouiller dans de vieux cartons pour trouver un article de journal où se trouve une phrase dont elle a oublié la fin. Et tandis que son fils l’aide, tous deux finissent par se raconter, avec légèreté, leurs faiblesses et leurs peurs. De vieux albums photo et des romans oubliés deviennent l’occasion de réfléchir à leur présent. De prime abord, la pièce, face à face entre une mère et son fils, est une exploration du thème de la famille, récurrent dans la dramaturgie italienne contemporaine. Un jeune adulte et sa mère se retrouvent et partagent un temps quotidien, où des questions matérielles de la vie courante – un papier perdu, la lessive à faire, un repas à préparer – dérivent vers l’évocation de souvenirs communs, ou plutôt d’un passé commun dont tous deux n’ont pas les mêmes souvenirs.
Leur solitude est perturbée par le grouillement inquiétant de petits insectes qui arrivent d’on ne sait où. Quelqu’un sonne à l’interphone, quelqu’un réclame leur présence. De plus en plus suspendus entre rêve et réalité, entre action et pensée, mère et fils plongent sans s’en rendre compte dans leur inconscient, dans des réalités imaginaires, aussi importantes que le monde réel, et peut-être plus encombrantes. Jusqu’à ce que la femme parvienne à retrouver les mots qu’elle avait perdus, rendant à tous deux et au public ce qui d’intime nous est resté.
Si le titre Madri met l’accent sur les figures de mères (dans la pièce, outre le personnage de la mère, est évoquée, dans le récit d’un rêve, la grand-mère maternelle), l’auteur a préféré que la version française reprenne celui qu’il avait initialement pensé pour le titre original, Lithium. Plus qu’une relation entre mère et fils, Lithium met en scène la rencontre de deux solitudes, oscillant entre détachement et sollicitude. Le lithium, c’est la découverte d’un point commun entre eux, une communauté de mal-être, de peurs, d’angoisses, mais qui trouvent un espace d’intimité où s’exprimer. La parole devient une voie, tortueuse et semée d’embûches, pour apprivoiser les angoisses, de la même façon que le fils s’efforce d’apprivoiser les blattes qui envahissent son appartement.
La langue de Diego Pleuteri est à la fois très quotidienne et très travaillée, et son méticuleux travail sur le rythme des répliques construit des personnages qui semblent flotter dans une réalité qui les dépasse. La quête d’un mot, d’une expression ou d’une phrase, qui est au point de départ de la pièce, semble être aussi au cœur du processus d’écriture. Cette langue construit aussi une poésie pleine d’humour où le mal-être est traité sans pathos, dans une porosité permanente entre premier et second degré, entre réalité et fantasme, entre gravité et légèreté.