Résumé
Un homme, le narrateur, seul sur scène, s’adresse à une vieille femme imaginaire, incarnation du petit peuple romain d’autrefois. Il lui raconte le massacre des fosses ardéatines qui, le 24 mars 1944, a coûté la vie à 335 Italiens, résistants, Juifs, communistes, mais aussi gens de la rue, en représailles à un attentat de la résistance qui a eu lieu la veille, via Rasella, en plein cœur de Rome. Cet événement (le plus grand massacre du genre perpétré dans une grande ville durant la seconde guerre mondiale) est resté un lieu de mémoire pour tous les habitants de Rome. À travers lui, c’est le destin d’une ville et d’un peuple qui nous est raconté, la scène un point où s’effectue la catharsis tragique, le deuil de l’inexplicable, la nécessaire appropriation de l’histoire.
Regard du traducteur
Ce texte écrit par l’un des auteurs metteurs en scène les plus talentueux de la jeune scène italienne (Ascanio Celestini est né en 1972) me paraît très représentatif du récit théâtral, un genre qui s’est développé ces dix dernières années en Italie avec des écrivains comme Marco Baliani, Moni Ovadia ou Marco Paolini. Il s’agit d’une véritable entreprise pour redonner sens à l’univers de la tragédie, par l’évocation d’un événement qui constitue un lieu important de la mémoire contemporaine nationale, sujet souvent à de délicates controverses ou à des interprétations connotées. L’affaire des fosses ardéatines, parce que les représailles s’étaient produites après un attentat de la résistance, a longtemps été associée à des accusations d’irresponsabilité concernant les partisans romains, alors même qu’il ne leur avait été donné aucune possibilité de se rendre, afin d’épargner les otages. Sans polémique, mais à la manière d’un conteur qui prend le temps de remonter aux origines, Ascanio Celestini reprend l’ouvrage d’Alessandro Portelli, "L’ordre a déjà été exécuté" (prix Viareggio 1999) pour en faire un lieu de parole et d’échange, un moment de théâtre exemplaire, limpide et dépouillé.