À propos de Charles Mee
Après des études d'histoire et de littérature à Harvard, il part à New York militer vigoureusement contre la Guerre du Vietnam et devenir historien comme "citoyen polémiste" sans songer à en faire métier.
Pourtant, il en fera un métier, publiant une vingtaine d'ouvrages historiques (dont Meeting At Postdam, Marshall Plan, The End Of Order, Versailles 1919, etc…), ainsi d'ailleurs qu'un livre sur son expérience du handicap (polyo) : A Nearly Normal Life.
Sans pour autant se défaire de son regard d'historien, il ne vient à l'écriture dramatique que sur le tard, lorsque le théâtre, "qui fait appel au cœur autant qu'à la tête", lui semble être devenu sa meilleure manière d'être au monde, lorsque surtout l'histoire lui semble trop étroite et contraignante pour contenir le monde tel qu'il le ressent, c'est à dire "Marchant comme un somnambule jusqu'au bord de la fatalité… se fractionnant en des milliers de cauchemars, sombrant dans un profond et inconsolable deuil, se perdant dans un chaos global".
Il vient d'ailleurs à l'écriture dramatique par pur goût du spectacle - théâtral ou chorégraphique - et de la mise en scène. Il cite d'ailleurs volontiers Robert Lepage, Pina Bausch, Alain Platel et "d'autres en Europe" comme des influences majeures, il n'est pas étonnant qu'il se soit engagé dans des collaborations fructueuses et suivies avec des créateurs prestigieux comme Martha Clarke, Anne Bogart (dans le cadre de LA SITI Company), Tina Landau, Robert Woodruff (directeur de l'American Repertory Theatre de Cambridge) et plus récemment Chen Zi-Yeng (connu en France pour sa mise en scène du "Pavillon des Pivoines").
"Les metteurs en scène que j'aime sont ceux qui ont à cœur de créer un événement dans le temps, en trois dimensions – où le texte trouve sa place à côté de ces autres éléments théâtraux… que sont la musique et le mouvement. Et c'est d'eux que j'apprends à écrire pour cette sorte d'événement théâtral. Quand j'écris, le texte ne vient jamais en premier. D'abord je vois un événement sur scène, et, quand j'ai commencé à le voir très clairement et en détail, alors c'est lui qui parle à travers moi. "
Très marqué par l'art moderne et en particulier par Max Ernst (les collages "Fatagaga"); il ne se perçoit pas comme le dépositaire d'un message individuel et univoque, mais au contraire comme un conducteur, le produit d'une culture variée à la fois ordinaire et lettrée, américaine dans de ce qu'elle a de plus humble et glorieusement cosmopolite et qu'il exprime sous forme d'œuvres composites :
- Collages émaillés de citations comme dans bobrauschenbergamerica,
- Réappropriations d'oeuvres classiques qu'il répugne à qualifier d'adaptations comme dans The Trojan Women : A Love Story et plus récemment Snow in June, d'après L'injustice faite à Tou O, oeuvre du théâtre Yuan chinois du 13e siècle de Kuan Han-ch'ing)
- "Conversations" avec des auteurs comme Gorki dans Time to Burn, ou avec Brecht et Heiner Müller comme dans Full Circle, mise en perspective du Cercle de Craie Caucasien, qui se passe au Berliner Ensemble lorsque Müller y était directeur au moment de la chute du mur.
"Je prends des histoires comme faisaient Eschyle, Sophocle, Euripide et Shakespeare. Aucun d'eux n'a jamais écrit une pièce originale, et, puisqu'ils comptent parmi les plus grands auteurs de théâtre ayant jamais vécu, je me suis dit que ça valait la peine d'essayer de faire comme eux. Alors j'emprunte des histoires (la moitié du temps, en tout cas ; l'autre moitié, j'invente). Et puis, à ces histoires empruntées, j'ajoute des textes empruntés à d'autres sources, pour arriver à un collage des matériaux du monde que nous avons reçu, et aussi du monde que nous sommes en train de faire : ça, il me semble que les gens le font tous les jours. Je pense qu'une histoire reste vitale tant qu'elle est en train de se faire. Ce qui s'annonce comme fini, est mort ; ce qui s'annonce comme non fini, est vivant. C'est ainsi que nous faisons nos vies, et, puisque nous n'avons qu'une vie sur terre, cela semble urgent, ce qu'il y a de plus urgent et de plus important à faire."
Ses pièces ont été montées à travers tous les U.S., notamment dans des théâtres comme le New York Theatre Workshop, L'Actors Theatre of Louisville (Humana Festival for New American Plays), la Brooklyn Academy Of Music, le McCarter Theatre de Princeton et l'American Repertory Theatre de Cambridge, Massachusetts. Ainsi qu'à l'étranger (en particulier tournée internationale de Vienna Lusthaus de Martha Clark) et de True Love, au Holland Festival d'Amsterdam et au Deutsches Festival de Berlin.
Ses œuvres -dramatiques ou autres – sont traduites en français par Isabelle Famchon qui prépare par ailleurs un livre sur cet auteur.