Sean O’Casey Auteurs

A écrit 3 ouvrages enregistrés au catalogue de la MAV

À propos de Sean O’Casey

Sean O’Casey (1880-1964) Né en 1884 à Dublin dans une famille pauvre et nombreuse, Sean O’Casey travaille dur, comme ouvrier, dès l’âge de quatorze ans. Devenu secrétaire de l’Irish Citizen Army et membre de la Ligue Gaélique, il participe activement à l’insurrection sanglante de Pâques 1916 et restera jusqu’à la fin de sa vie fidèle à sa colère, à ses convictions socialistes, voire communistes, ainsi qu’à l’Irlande, sa terre natale, en dépit de l’hostilité voire de la haine qu’il nourrit contre toutes les formes de nationalisme. La mauvaise réception de La Charrue et les étoiles (1926), jugée trop négative par l’opinion publique irlandaise, le contraint à l’exil en Angleterre. Il meurt dans le Devon en 1964. TRADUIRE O'CASEY : "O'Casey est le meilleur de nos auteurs dramatiques", affirme volontiers Frank McGuinness, lui-même grand auteur dramatique irlandais contemporain. Au risque de déplaire à certains amoureux de l'Irlande, qui lui préfèrent Synge ou Yeats, je me range volontiers  à cet avis, allant même jusqu'à considérer O'Casey comme l'un des grands dramaturges de ce siècle, tous pays confondus. D'ailleurs, si imprégné d'Irlande qu'il fût,  son influence s'est répandue dans le monde entier. Le grand poète américain de la négritude, Langston Hughes, ne disait-il d'ailleurs pas de lui : "Le local et le régional peuvent devenir universels. Les irlandais de Sean O'Casey en sont un exemple. Ainsi je dirais aux jeunes écrivains noirs, n'ayez pas peur de vous-mêmes. Vous êtes le monde."
De nos jours pourtant, il est rarement monté dans son pays d'origine (l'Irlande) ou son pays d'adoption (l'Angleterre). En dehors de la trilogie dublinoise (Junon et le Paon, la Charrue et les Etoiles et L'Ombre d'un franc-Tireur), un grand nombre de textes n'étaient d'ailleurs plus disponibles en langue anglaise jusqu'à une période très récente. En France, après une période de grande notoriété, (en particulier sous l'influence de Jean Vilar au TNP et de Guy Rétoré au TEP), sa présence semble s'être  estompée des mentalités et des scènes  françaises. Et malgré leur disponibilité en librairie (Editions de l'Arche), il n'y a  plus eu depuis longtemps de mise en scène importante de cet auteur. Pourquoi ?
Eu égard à la modernité de l'oeuvre, la responsabilité en revient sans doute aux passeurs de tous ordres qui ont renvoyé à la France une image faussée de l'homme et de ses écrits. En premier lieu, nombre de metteurs en scène ont voulu voir en lui le seul chantre du socialisme qu'il était d'ailleurs ouvertement, le défenseur courageux des pauvres qu'il demeure à l'évidence, un petit cousin de Brecht en somme. Pendant ces décennies de démobilisation politique que traverse actuellement le théâtre, il s'est rapidement vu classé comme "social" donc "pas marrant" et de ce fait "irrémédiablement" condamné à rester sur les étagères.
Mais surtout les traducteurs se sont laissé affoler par sa relation infiniment plurielle au langage, à la fois fantasque et rebelle, iconoclaste et déroutante. Chaque personnage en effet se définit non seulement par son histoire, sa situation sociale, ses aspirations etc… mais aussi par une manière à lui de parler, un choix de mots, une rythmique, des tics, des obsessions, des manies. Dans une même pièce, l'auteur  peut parfaitement opposer par exemple un langage des plus altiers inspiré de la Bible aux expressions volontiers canailles de l'idiome dublinois. D'ailleurs, selon le dictionnaire des auteurs Dramatiques publié par St James Press : "L'hiberno-anglais populaire qui coule si aisément des lèvres d'un grand nombre de ses personnages est si enrichi d'imagerie colorée, d'allitérations persistantes, de tournures de phrase inattendues, et de citations de Shakespeare, Milton, Pope and Shelley, qu'il est souvent décrit comme "Elisabethain".
Et c'est  précisément cette déraison linguistique bardée d'irlandité, ce culot absolu, que la plupart des traducteurs français n'ont pas voulu ou pas pu retranscrire ou même identifier. Pourquoi en particulier ne pas avoir tenu compte de l'énormité des noms de Saints évoqués par les nombreux personnages bondieusards qu'il s'amuse à pourfendre (comme Mulligan le "héros" minable de Bedtime Story), singularité O'Casienne qui émaille toute son oeuvre comme un énorme pied de nez au vénérable opium du peuple qu'a longtemps été et que demeure sans doute encore dans une moindre mesure la religion catholique en Irlande ? Pourquoi ne pas les avoir traduits ? Pourquoi par ailleurs avoir la plupart du temps oblitéré ses différents niveaux de langue qui tissent du vivant pour le plateau ? Pour respecter les règles d'unité peut-être ? Pour réduire le divers et le touffu aux normes du bon goût français ? Pour rendre conforme l'inconformiste ? Décidément, non, chercher chez O'Casey une uniformité de style et de propos, c'est le trahir et attenter à son inspiration. Les effervescences langagières des personnages s'entrecroisent et se catapultent en effet pour affirmer une théâtralité immédiate et en même temps introduire une dimension burlesque dans la tragédie. Elles sont constitutivement nécessaires à l'hybridation formelle qui est la marque de O'Casey.
Si l'on y songe bien par exemple, Bedtime Story qui se veut une "comédie burlesque" inspirée de l'Anatole de Schnitzler et qui est effectivement merveilleusement comique, est aussi une histoire épouvantable. Elle nous demande d'ailleurs de compatir au sort des personnages, si bourrés de travers qu'ils puissent être, si humains dans leur dimension dérisoire. Dans cette pièce, O'Casey propose particulièrement à notre sympathie : Angela, jeune femme délurée à qui vont certainement ses préférences, embarquée pour une nuit d'amour par Mulligan, puceau confit en dévotions - le tout sous prétexte de lire des poèmes de Yeats et boire un verre de vin en grignotant un biscuit. Une fois son affaire faite, affolé à l'idée que sa logeuse ait vent de l'inconduite  que représente pour lui l'acte de chair en l'absence de sanction divine, Mulligan n'aura de cesse de faire déguerpir la jeune femme. En retour, celle-ci s'ingéniera à occuper les lieux pour l'exaspérer, sans compter que sous des prétextes divers elle le délestera de ses économies et de la plupart de ses maigres possessions terrestres. De "victime" qu'elle aura failli être, Angela s'en sortira sans doute plutôt bien tandis que le malheureux Mulligan finira considéré comme fou par la logeuse tant redoutée et par Halibut, l'ami condescendant qui le prend pour un imbécile. Racontée ainsi, l'histoire peut sembler très cruelle, mais c'est sans compter avec ces mots de O'Casey, si chargés de vie, si chargés de compréhension. Rire est peut-être une manière d'aimer.
                                                                                              ISABELLE FAMCHON      
 

Autres ouvrages

Un drôle de corps, 1961
Parmi les plus connues: Junon et le paon - La charrue et les étoiles - L’Ombre d’un franc-tireur - La Coupe d’argent - L’Étoile devient rouge - Roses rouges pour moi - Poussière pourpre.