Quand Grenville revient de guerre, il retrouve sa femme et son filsÖ Mais sont-ils vraiment ce qu'ils semblent être ? Une pièce sur l'identité, l'amour et la guerre.
Hiver, commandée à Zinnie Harris par la Royal Shakespeare Company, confirme le talent de cette jeune femme : écriture très épurée, directe, sans psychologie des personnages, où l'apparent manque d'émotions devient le vecteur même de l'émotion.
Un résumé linéaire de la pièce ne saurait en aucun cas faire passer l'atmosphère et l'émotion si vives et particulières que dégage l'écriture de Zinnie Harris. Il nous a donc paru préférable de vous livrer, en guise de résumé, ces deux regards :
Dominique Hollier :
Ici ou ailleurs, soleil d'hiver, faim. Maud a perdu un enfant sacrifié à la guerre. Maud a perdu un mari, également sacrifié à la guerre. Maud s'est perdue elle-même - ou est-ce Magda sa jumelle qui s'est perdue au point de ne pouvoir vivre que dans la peau de Maud perdue ? Mais Maud a trouvé un cheval - et gr‚ce à lui elle trouve un enfant. Alors quand elle le trouve, elle le garde pour se retrouver.
Léonard a perdu sa fille. Léonard reste avec son petit-fils Sirin, mais se voit contraint de le perdre, faute de pouvoir le nourrir. Eperdu, il causera la perte des autres.
Sirin a perdu sa mère. Sirin a perdu la parole - à moins qu'il ne l'ait jamais trouvée. Sirin perd son grand-père, mais trouve une mère - Maud, un nouveau nom, mais lui va-t-il ? - et même ce qui aurait pu être un père.
Grenville était perdu mais revient de la guerre. Il rentre et retrouve sa femme - mais est-ce bien la sienne ?- et son fils mais ce n'est pas le sien, et il les perd. De plus, Grenville perd la vue. Il finira par perdre la vie - sans quoi les autres seraient perdus.
Trent, le colporteur, qui annonce la fin et le début des guerres, n'a rien à perdre. Il gagne l'espoir d'une maison, puis il la reperd quand revient la guerre.
Blandine Pélissier :
Un lieu et une époque indéterminée. Le soleil d'hiver. La guerre. La famine. Une femme, Maud, fait un troc avec un vieil homme. Elle troque une carcasse de cheval contre le petit-fils du vieil homme. Elle gagne un enfant muet pour remplacer l'enfant-soldat qu'elle a perdu. Le petit gagne la carcasse à dévorer pour calmer sa faim. Le grand-père ne gagne rien.
Le colporteur, le messager, délivre la nouvelle de la fin de la guerre.
L'homme revient de la guerre au bout de dix ans, ne reconnaît plus la femme, ne connaît pas l'enfant, devient aveugle comme tous les soldats atteints du parasite, il a vu trop de choses, il est perdu. Il emmène à la pêche ce fils muet dont il ne sait pas qu'il n'est pas le sien.
La femme fait pousser des herbes, germe de renouveau.
L'homme a perdu ses repères, finie la guerre, la femme n'est pas la vraie, l'enfant n'est pas le vrai. Alors il redevient soldat chez lui, frappe l'enfant, colère aveugle, veut le dresser.
La femme ne veut plus de la guerre, ne veut plus du soldat. Elle lui enduit les yeux de chaux, "une pommade pour guérir ses yeux aveugles". Il sait, il comprend, il laisse faire, il ne sait plus vivre en temps de paix.
Le colporteur, le messager, délivre la nouvelle de la reprise de la guerre, une guerre tout neuve, qu'on va faire sans soldats. La femme ne veut pas entendre le colporteur. Elle va s'enfermer dans le jardin, minuscule havre de paix, avec l'enfant qui a dit poisson et le grand-père.